Reiner: la marketplace de l’upcycling

Reiner: la marketplace de l’upcycling

Mise à jour du 08 février 2022 d’après l’article du 18 mars 2021

Je suis accueillie par Justin l’un des deux cofondateurs de la marketplace Reiner Upcycling. C’est accompagnée d’un café et de chouquettes que j’ai interrogé Justin pour en savoir un peu plus sur leur Marketplace, leurs motivations et leur vision autour de l’upcycling.

Reiner marketplace de l'upcycling

Reiner qu’est-ce que c’est?

Reiner, c’est la première marketplace upcycling qui réunit et accompagne les créateurs de mode upcycling.

Le projet est né d’une volonté de réunir des créateurs avec un savoir-faire unique autour de l’upcycling et de les accompagner dans des problématiques, au-delà de la vente, qui s’étendent du sourcing à la distribution mais aussi l’image de marque.

La marketplace est née à la fin du 1er confinement et le site est officiellement ouvert depuis le 4 septembre 2020. Cela fait par ailleurs 2 ans que nous pensons au projet.

J’ai rencontré Ben, mon collaborateur, il y a 3 ans. Il avait une marque de vêtements streetwear et moi je faisais de la photo. J’ai shooté pour lui. Nous avons tout de suite bien accroché. Il est intelligent, créatif et travailleur. Le constat fut sans appel : nous avons réalisé que beaucoup d’artistes autour de nous – dans la musique, la peinture, le design – avaient du mal à se vendre auprès des entreprises. Comme le sentiment qu’ils étaient incompris quand nous avions la chance d’avoir cette double casquette. Il fallait absolument les aider à se réunir pour pouvoir signer des contrats. Ben était à l’époque chef de projet e-commerce chez Guerlain et moi, j’étais business analyst dans une société d’étude de marché.

Fondateurs Reiner

Notre ambition est de proposer une sélection de pièces de mode avant de vendre de l’éco-responsable dans notre discours, c’est très important.

La dimension créative est au cœur de notre projet, c’est ce qui nous anime.

En moins d’un an, Reiner s’est déjà fait une bonne renommée. Selon vous, quelles sont les raisons de son succès?

Sur la première année de création qui n’est pas encore finie. Je voulais qu’on travaille la crédibilité de l’entreprise, montrer que Reiner est un acteur de la mode upcycling, un acteur qui s’inscrit dans la durée… notamment en nouant des relations avec des partenaires de ce milieu.

Nous sommes contents des résultats sur les réseaux, Le premier event au mois de septembre (Showroom et Pop Up) nous a permis de nous faire connaître. On est arrivé à un moment stratégique, on savait qu’il n’y avait plus de Fashion-Week à cause du Covid, les influenceurs n’avaient plus d’events sur lesquels communiquer et en arrivant à ce moment-là, on a pu faire un petit peu de bruit. Ça dépendait aussi beaucoup des pièces qu’on allait présenter, on a réuni 200 pièces au premier show-room qui était vraiment cool.

Ce qui fait que ça a marché, je pense, c’est ce côté très jeune, très créatif qui parle à une cible très artistique et en recherche de projet avec des valeurs fortes.

Nous, ce qu’on veut, c’est faire des choses sans critiquer ce qui a déjà été fait et de ne pas faire de l’écologie un outil de communication.

On a un discours très authentique. Ce qui plaît je pense, c’est l’honnêteté et la transparence. On est très à l’écoute de nos créateurs. On leur pose beaucoup de questions pour faire évoluer la Marketplace dans le bon sens parce que ce sont eux qui sont au centre du projet.

L’avantage qui est aussi l’inconvénient d’une marque upcycling c’est la rareté de la pièce.

Quelles sont les difficultés à commercialiser de l’upcycling?

La première difficulté, c’est la démocratisation du sujet upcycling. Même si c’est de plus en plus connu, une grande partie des français ne connaissent pas encore.

Il faut aussi faire attention à montrer que l’upcycling ce n’est pas que des pièces complètement farfelues, mais qu’elles peuvent être aussi plus classiques et portables au quotidien.

En termes de production, c’est souvent de la pièce unique ou des petites quantités. Sur une marketplace, il faut mettre en place un catalogue numérique, qui prend du temps aux créateurs. Nous devons donc créer une fiche produit par pièce unique. C’est logiquement un point sur lequel nous souhaitons travailler.

Ce que nous conseillons à nos créateurs? Avoir un catalogue produits qui soit réfléchi avec une collection sustainable – durable – par exemple et des pièces plus «image». Celles-ci peuvent être vendues en quantité limitée sur Reiner.

Quelles sont vos perspectives d’évolution pour Reiner?

Nous avons un plan en tête, mais nous laissons les choses se faire naturellement sans se fermer de portes. Nous sommes en période de test. À ce titre, il est important de comprendre comment le marché évolue, quels acteurs entrent en jeu, quelles opportunités semblent se dessiner…

Nous nous sommes laissé 1 an. En septembre, le bilan viendra puis, l’accélération.

L’enjeu, c’est de devenir LA marketplace d’upcycling. Nous allons continuer de développer notre positionnement premium, élargir notre sélection de vêtements et aussi développer la partie services. Nous souhaitons ainsi aider rapidement les créateurs en proposant un catalogue professionnel regroupant nombre de matières premières à des prix avantageux, des services digitaux et des events de plus en plus réguliers.

À l’avenir, ouvrir à des pays frontaliers pour intégrer des créateurs étrangers est aussi une piste que nous gardons en tête.

Louise Marcaud

Louise Marcaud

Jeune créatrice de mode, mes valeurs sont basées sur l’upcycling et la slow fashion qui m’inspire une esthétique minimaliste. Retrouvez tout mon univers sur www.louisemarcaud.com.

UpTrade revalorise les stocks de tissus avec sa plateforme digitale

Charlotte Billot et Eléonore Rothley ont décidé de devenir «sauveuses de tissus» et de créer UpTrade en avril 2019. Il s’agit d’une plateforme digitale qui centralise la demande et l’offre de tissus de toutes sortes. Par exemple, des matières naturelles ou synthétiques, pour le textile, les accessoires cheveux, la maroquinerie, maillots de bain, sous-vêtements… Ce projet de revalorisation des stocks de tissus des fabricants et marques prône ainsi le local, le respect de l’environnement et l’upcycling.

Charlotte _ Eléonore - co-fondatrices d'UpTrade

Charlotte Billot et Eléonore Rothley

Tissus UpTrade

Comment l’idée de UpTrade est-elle née?

«Je suis persuadée qu’il y a une seconde vie pour tout et qu’il n’est jamais trop tard pour trouver une valeur aux choses.»-Charlotte Billot

En effet, les deux jeunes femmes ont toujours été sensibles à l’impact environnemental et social des activités humaines. Pas plus attirées par la mode que d’autres, elles ont tout de même eu une prise de conscience quant aux aspects négatifs de ce domaine, tant sur les travailleurs que sur notre planète. Le gâchis textile est bien trop important! Beaucoup d’invendus, de stocks en amont de matières qui ne seront peut-être jamais utilisées, des rouleaux de tissus entamés mais jamais finis… Charlotte et Eléonore ont donc décidé de créer UpTrade pour revaloriser ces beaux tissus dormants.

Comment UpTrade fonctionne-t-il?

D’abord en utilisant un système de catalogues, UpTrade a récemment ouvert sa plateforme digitale. Tous les professionnels de la mode peuvent s’inscrire, en tant que clients ou fournisseurs. On y retrouve ainsi les nombreux types de tissus disponibles, et les acheteurs n’ont plus qu’à faire leurs choix. Pour ceux qui souhaiteraient voir les tissus d’un peu plus près ou bien les toucher, il existe la possibilité de se faire livrer des échantillons, ou ils peuvent prendre directement rendez-vous au showroom pour voir les robracks. Concernant les produits disponibles sur la plateforme, un ensemble de caractéristiques est présent pour aider le client à faire un choix:photos du tissu, description détaillée, métrage, composition, couleurs, traçabilité, origine du produit, normes et labels…

Présentation plateforme UpTrade 1
Présentation plateforme UpTrade 2

Plateforme digitale UpTrade

Quel est le but?

Plusieurs objectifs sont mis en avant par les deux fondatrices de UpTrade. Tout d’abord et comme dit précédemment, il y a dans ce projet l’intention d’éviter le gâchis textile et donc de réutiliser des produits qui dorment plutôt que de reproduire. L’impact écologique a donc évidemment un rôle important dans cette initiative. En réutilisant des matières dormantes, ce sont autant de quantité d’eau, d’émissions de CO2 et d’autres rejets dus à la production, qui sont évités. Aussi, le but est d’encourager les petites marques à aller travailler sur des tissus de qualité et fabriqués en Europe. Enfin, il s’agit aussi d’encourager le développement de nouveaux business models, basés sur l’upcycling, et le développement de la coopétition. La coopétition consiste à acheter des produits provenant d’une marque considérée comme concurrente, des matières qu’elles ont disponibles.

«On voudrait essayer de démocratiser l’upcycling et dire aux marques qu’il n’y a pas de raisons qui les empêchent de se fournir chez d’autres marques. Il faut qu’elles considèrent leurs concurrents comme des sources de matières premières.»-Charlotte Billot

Des projets pour la suite?

UpTrade n’a pas fini de se développer. Charlotte et Eléonore souhaitent faire une levée de fonds pour pouvoir agrandir leur équipe et opter pour des bureaux plus grands.  Elles ont également pour projet de faire évoluer la plateforme et d’y ajouter un dashboard d’impact évités. Ce dernier permettra aux clients de voir les effets négatifs qu’ils ont pu éviter en s’approvisionnant via la plateforme. Concernant son implantation, l’entreprise aimerait se géolocaliser.

«On va se développer sur du glocal, c’est-à-dire penser international mais rester local dans le sens où, si les stocks sont en Europe, on le travaillera uniquement en Europe. Si les stocks sont en Asie, on les travaillera uniquement en Asie. Etc.».

UpTrade, qui croit en la généralisation de l’upcycling, souhaite de tout cœur devenir une vraie source de matières.  

Mélina Koleskas

Mélina Koleskas

Etudiante à l’EDHEC Business School

 Je m’intéresse à la mode, au bien-être social, au développement durable et à l’innovation. Ces domaines m’animent et me motivent lors de projets. 

Re-industrialiser ?

Re-industrialiser ?

Atelier Plateau Fertile

Nous lisons et voyons en ce moment beaucoup d’échanges et d’histoires fantasmées sur la relocalisation de la confection textile.

Voici notre point de vue :

La comparaison de prix est mortifère

Non un article fabriqué en France ne coûtera pas le même prix qu’un article fabriqué en Chine ou en Moldavie en coût de confection. Parce que le salaire mensuel chargé est trois à cinq fois plus élevé. Ni en coût d’exploitation (loyers, charges…).

Il est donc mortifère de tenter d’obtenir ce « même prix » sur le territoire. Cela ne peut conduire qu’à des ateliers misérabilistes aux conditions de sécurité dangereuses.

Oui il faut l’assumer, la production française sera plus chère. Non le coût minute n’est pas de 25€ par heure : le coût minute (prix de la minute vendue à un client) doit comprendre l’intégralité des coûts de l’usine loyer, encadrement, charges, formation, investissements, développement de produits (gradations voire patronages). Il est de 50 à 60 centimes la minute donc 30 à 36€ de l’heure avec des équipes professionnelles dans un atelier aux normes (pas de tas de cartons ou tissus et un système électrique sécurisé).

La production française sera plus chère. De 30% à 300% pour des articles usuels t-shirts chemises ou robes selon le temps nécessaire. Elle sera peut-être de qualité équivalente mais elle sera là. Idéalement répartie sur tout le territoire au plus près des marchés, sans risques de transport ou de guerre géopolitique, sans risque d’exploitation.

Elle sera à proximité capable de travailler en « circuit court »  ce qui donne un avantage « zéro risque » très fort dans les années à venir.  La proximité permet également de créer plus vite et à moindre coût de meilleurs produits.

Quand les têtes et les mains sont ensemble, les produits sont mieux pensés et conçus jusqu’au bout.

Co-création Plateau Fertile

Le volume est mortifère

Il est tout aussi mortifère de tenter de faire des productions à grand volume. Notamment « remplir » des ateliers avec beaucoup de salariés et donc décrocher des subventions à l’emploi. C’est une vue court-termiste qui transforme des personnes sans qualification en robots et met en comparaison forcément défavorable par rapport à l’Europe de l’Est.

La recherche de volume est une stratégie du passé qui conduit à la surproduction, à la démarque de produits à peine portés et encombrants entrepôts et circuits de déchets municipaux. On le voit bien avec le développement des ateliers de la honte à Leicester.

L’avenir est aux productions mieux adaptées à la demande en continu, donc aux ateliers experts agiles capables de fabriquer plusieurs produits et de répondre vite aux demandes (prix, industrialisation, circuit de production). L’avenir est à la formation experte et sur les lieux de production de couturiers polyvalents, à l’utilisation des outils de production numériques.

Il faut changer la répartition de marges et l’expliquer au consommateur

Il faut cesser de multiplier les prix de production par 5 à 10 pour démarquer ensuite 30 à 50% du stock à 50%. Si un T-shirt coûte 10€, vendons le 30€ toute l’année et expliquons toute la chaîne de valeur.

Dépensons moins en coûts inutiles comme de trop grands magasins surstockés ou des organisations compliquées.

Il faut des ateliers répartis experts et créatifs

Créons davantage : les petites séries permettent de prendre plus de petits risques.

La mode de demain est frugale souple et inventive, elle est répartie et en réseau sur tout le territoire. Elle :

    • Intégrera des technologies déjà matures et efficaces de conception coupe et impression numérique ;
    • Offrira un lieu de travail évolutif au travail varié, des possibilités créatives et de création de son propre business ;
    • S’adapter sans peine à toutes conditions de marchés.

Un système à tisser

Les entreprises et les collectivités doivent ensemble bâtir avec les industriels existants. En collaboration avec les fablabs, les tiers lieux, les associations, il faut bâtir un système humain et éco-responsable comme éco-rentable. Il ne faut pas faire revenir les « Sweatshops » sur le territoire. Nous ne devons pas produire du Made in France vendeur dans des conditions au rabais.

Tiers lieu animation 1

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Annick Jehanne

Annick Jehanne

Présidente Fashion Green Hub

Alexandre Lemille – “Demain, nous pourrions tous être agriculteurs”

Alexandre Lemille – “Demain, nous pourrions tous être agriculteurs”

Agriculture

Alexandre Lemille est expert en mesure d’impact social. Il dirige Anthesis Group (France) dont l’objectif est de répondre aux défis systémiques auxquels les organisations privées ou publiques font face aujourd’hui.

Dans une approche co-créative, le cabinet de conseil Anthesis Group aide ses clients à réduire leur empreinte écologique, à concevoir des produits circulaires et à mettre en œuvre leur réusinage ou reconditionnement. Anthesis Group s’attache à créer de nouvelles expériences pour les clients, citoyens et producteurs. L’accent est mis sur le caractère mesurable des démarches entreprises, notamment en termes d’image et de rentabilité.

Alexandre Lemille est engagé sur les discussions concernant notre prochaine économie avec l’humain en son cœur depuis plus de 10 ans. Il a présenté les enjeux de la régénération lors d’un intervention à l’occassion des Fashion Green Days en avril 2022. En aval de l’évènement, il nous explique en quelques mots ce qu’est l’économie régénératrice.

 

Qu’est-ce qui caractérise l’économie actuelle?

Nous sommes dans une économie de fausse abondance. De nombreuses ressources sont gaspillées. Les indicateurs utilisés pour mesurer la rentabilité, le succès d’une entreprise ne sont plus les bons. C’est l’environnement qui doit aujourd’hui avoir la priorité.

De nombreux acteurs l’ont compris. Ils mettent en place les principes de l’économie circulaire au sein de leur démarche de production. L’objectif est de limiter au maximum la production de déchets et le gaspillage des ressources.

Pour aller plus loin, il faut ajouter une dimension plus large: la régénération des systèmes. Pour cela, il faut prioriser les systèmes naturels de production.

C’est un changement en profondeur. Dès lors que la mesure du retour « global » sur investissement englobe l’aspect social et environnemental, la démarche fait sens pour l’avenir de l’industrie en général.

De l’économie circulaire, il faut aller vers l’économie régénératrice.

 

Quelle est la différence entre l’économie circulaire et l’économie régénérative?

L’économie circulaire reste un sujet technique pour l’industrie. On cherche à concevoir un produit en produisant le moins de déchets et de pollution possible.

L’économie régénérative connecte des écosystèmes et des industries différentes. L’objectif commun est de préserver le vivant sur Terre, de faire plus avec des ressources évoluant en symbiose. La démarche est différente. Au lieu de penser en silo, et d’essayer de faire le mieux possible au sein de sa propre industrie, les industries communiquent entre elles.

 

Pouvez-vous donner un exemple?

L’industrie du textile est intrinsèquement liée à l’industrie de l’agriculture. Demain, au lieu de faire circuler un pull usagé pour qu’il continue d’être porté, on pourrait le composter, pour qu’il engendre des plantes qui nourriront les prochaines générations de population.

Lorsqu’un t-shirt reste ou redevient un t-shirt, on reste dans le vertical, dans un silo. C’est l’économie circulaire. Mais si le t-shirt éco-conçu pour qu’il se retrouve dans un cycle agricole afin de produire du coton ou de l’alimentaire, nous sommes dans une toute autre dimension, celle latérale de l’économie régénérative.

Ainsi, on démultiplie les ressources tout en préservant le vivant. Un produit ne redonne pas un produit, mais engendre 30 produits qui vont à leur tour en engendrer trois fois plus.

 

Comment mettre en œuvre une mode régénératrice?

La clef, c’est d’utiliser moins pour faire plus différemment. Et pour cela, toutes les industries doivent travailler ensemble, de manière interconnectée, dans l’objectif de préserver le vivant.

Cela implique de nombreux aspects: bannir l’usage de perturbateurs endocriniens, de substances chimiques, se tourner vers des matériaux bio-sourcés, utiliser des énergies plus diffuses, renouvelables…

Cela nécessite surtout de penser de façon latérale plutôt que verticale.

Chaque marque de mode pourrait se dire:

“Je fais pas que du textile, mon article fait partie d’un paysage d’échange de matière et d’énergie dans lequel l’activité autour de mon t-shirt crée de nouvelles ressources.”

Pour y arriver, l’enjeu est de faire travailler ensemble plusieurs industries, par exemple le textile et l’agricole.

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Lors de son intervention aux Fashion Green Days, Alexandre Lemille a expliqué comment les acteurs de la mode peuvent passer d’une économie circulaire où l’on pense “produit” à une économie régénératrice dans lequel le produit devient une pièce d’un puzzle, dont tous les acteurs œuvrent ensemble pour préserver le vivant.

Inscrivez-vous ici pour assister à cette conférence inspirante.

Glynnis Makoundou

Glynnis Makoundou

Avocat au Barreau de Lyon

Forte de 10 ans d’expérience en tant que juriste e-commerce, créatrice de marque d’accessoires et blogueuse mode, elle a créé en 2022 un cabinet dédié aux entrepreneurs et professionnels du secteur de la mode, qu’elle conseille et représente en droit des affaires, du numérique et de la propriété intellectuelle.

«Limiter son impact environnemental ne suffit plus, il faut passer au modèle régénératif»

«Limiter son impact environnemental ne suffit plus, il faut passer au modèle régénératif»

Pourriez-vous retracer votre parcours en quelques mots?

Bertrand Thuillier : Après des études de biologie et d’écologie, je me suis orienté vers l’environnement. J’ai fait du conseil, puis de la formation pour adultes, avant de devenir consultant en développement durable. Pendant 17 ans, j’ai accompagné des collectivités et des entreprises sur les thématiques de la gestion du changement, notamment climatique, l’éco-conception, etc. En parallèle, j’ai poursuivi des recherches sur l’économie régénérative et les modèles symbiotiques. Je suis ensuite entré chez Vinci, au sein du bureau d’études Environnement et sciences du vivant. J’ai rejoint il y a quelques mois l’établissement d’enseignement supérieur privé Lumia (06) en tant que chargé de recherche-action en économie régénérative.

Bertrand Thuillier

 

Quel est votre rôle au sein de Lumia?

Bertrand Thuillier: Lumia a été créée il y a deux ans par un collectif de chercheurs, emmenés par Christophe Sempels. L’idée fondamentale, c’est qu’il faut transformer les personnes avant de transformer le modèle économique d’une entreprise. Il y a donc plusieurs pôles : une école de la transition, ouverte à tous, un pôle de formation des dirigeants et cadres, et le pôle de recherche-action, au sein duquel je travaille. Dans ce cadre, nous sommes en train d’établir un référentiel et un mode d’emploi, pour permettre aux entreprises de passer de leur modèle actuel à un modèle régénératif.

Quels sont les grands principes qui guident l’économie régénérative?

B.T : Actuellement, particuliers et entreprises sont invités à réduire leur impact sur l’environnement. Ce n’est pas suffisant pour enrayer le changement climatique et les dégâts causés sur les écosystèmes, comme sur les communautés humaines. Le modèle régénératif invite à aller plus loin, en réfléchissant en termes d’impact socio-écologique net positif. C’est-à-dire, comment laisser une ressource, non pas le moins abîmée possible, mais en meilleur état qu’avant notre passage. Pour cela, il faut raccrocher son modèle économique au vivant, pour bien identifier les différentes façons dont son activité affecte les écosystèmes, ici ou à l’autre bout du monde.

Mais selon les domaines d’activité des entreprises, le diagnostic sera plus ou moins difficile à établir, et les moyens d’actions, plus ou moins directs.

B.T : En effet, si les principes restent les mêmes, selon le type d’entreprises, les problèmes à adresser ne seront pas les mêmes. Mais toutes les entreprises sont concernées. Dans le BTP par exemple, la question se pose déjà de façon très concrète. Dans les nouvelles technologies, le lien avec la ressource naturelle peut être plus ténu. Il faut alors réfléchir autrement, trouver comment avoir un impact positif au travers d’une autre partie prenante. Ou comment accompagner sa communauté de clients, pour les aider, à leur tour, à changer de modèle. Il y a différentes façons d’avoir un impact positif.

Sentez-vous les entreprises prêtes à changer en profondeur leur modèle, malgré les investissements et les contraintes que cela implique?

B.T: C’est en effet un changement radical, une rupture. Cela peut prendre du temps, jusqu’à deux ou trois ans. Mais les dirigeants d’entreprises sentent bien de toute façon que l’on arrive au bout d’un modèle. La comptabilité en triple capital, méthode de référence qui permet de mesurer la performance sociale et environnementale des entreprises, en plus de la performance économique, est parlante. Elle permet d’évaluer les dépenses qui seraient nécessaires à une entreprise, pour compenser les effets néfastes de ses activités. Il est établi que 95% des entreprises mettraient la clé sous la porte si elles étaient réellement facturées pour les dommages qu’elles causent.

J’ai assisté récemment à la Convention des Entreprises pour le Climat, qui réunit 175 entreprises de toutes tailles. Elles ont toutes pris conscience des enjeux. Nous sommes, de toute façon, rattrapés par la physique. Le coût des énergies est exorbitant, il y a des pénuries de matières premières dans tous les secteurs… Elles se rendent bien compte qu’il n’y aura pas d’autre solution que d’aller vers la régénération. La réduction de l’impact ou la compensation ne suffisent plus, il faut passer à une étape supérieure.

Quels sont les premiers leviers à actionner pour les entreprises qui voudraient se lancer dans cette dynamique?

B.T: Nous sommes en train de mettre au point des outils diagnostics et surtout, des feuilles de route. L’idée est de rendre la démarche mesurable et duplicable, avec des objectifs clairs. Pour ce faire, nous accompagnons déjà une quinzaine de chefs d’entreprises. Et nous sommes en train de constituer un corpus d’une centaine d’entreprises de différentes tailles, et de tous secteurs. Avec elles, nous testerons des outils, pour voir jusqu’où on peut pousser l’exercice. L’idée est également de créer des premiers écosystèmes coopératifs, entre les entreprises engagées sur ces sujets. Au cours de mon intervention lors des Fashion Green Days, j’aurai l’occasion de détailler deux cas pratiques. Deux exemples d’entreprises qui se sont engagées sur la voie du modèle régénératif, pour justement, répondre à cette question simple: «comment on y va?».

 

Retrouvez le replay de l’intervention de Bertrand Thuillier sur les business model régénératif ici.

Jeanne Magnien

Jeanne Magnien

Journaliste, je suis passionnée par les sujets textiles et notamment, la façon qu’a l’industrie de se réinventer. À la croisée de quantités d’enjeux contemporains, environnementaux comme sociaux, elle relève tous les défis!